Où il est question d’IKEA et de l’Eglise luthérienne, d’esprit pratique et d’auto-dérision. Leçon de design scandinave en six points.

Bouteilles Tapio Wirkkala Murano 1966–67 © Venini

Plébiscité, le design scandinave, minimaliste, «nature», est devenu un must. Il n’est pas à l’abri des critiques: on déplore tantôt son élitisme, tantôt sa popularité. Mais le connait-on vraiment? Terme ombrelle, il abrite nationalités, influences et contradictions variées. Pour y voir clair, mieux vaut questionner les principaux intéressés. Où il est question d’IKEA et de l’Eglise luthérienne, d’esprit pratique et d’auto-dérision, où le mot «artisanat» ne provoque aucun sourire entendu: une leçon de design scandinave en six points-clés.

Existe-t-il un «design scandinave»?

On a pourtant essayé d’avoir sa peau: en 1980, un groupe de designers s’est insurgé contre l’étiquette qui leur été collée d’office, en organisant les funérailles officielles de cette appellation d’origine non contrôlée.

Mais le design scandinave a survécu au-delà du mythe. Quel mythe? Celui qui véhicule l’image d’une bande de géants blonds qui fabriqueraient tous des meubles minimalistes, invariablement faits d’un bois aussi clair que leur chevelure.

Stricto sensu, «scandinave» n’est pas vraiment équivalent à «nordique»: seules Norvège et Suède se partagent la péninsule scandinave. Il est admis que le Danemark voisin, historiquement lié aux deux précédents, partage la même culture scandinave. Dans la foulée, on y ajoute les Islandais, au passé norvégien puis danois.

Le cas de la Finlande diffère. Si elle a appartenu à la Suède, sa langue n’a pas d’origine germanique, pas plus que les Finnois ne possèdent d’ancêtres Vikings. Pourtant, raille l’influent consultant suédois (et fondateur de la marque David DesignDavid Carlson, «Oui, quand le sujet concerne le design, la Finlande fait normalement partie de la Scandinavie…».

Riche d’un héritage entre style gustavienromantisme national et fonctionnalisme, le design scandinave s’est imposé comme référence dans les années 1950. Moderniste mais pas trop, fonctionnel et souvent artisanal, minimaliste mais usant de matériaux naturels, donc rassurants.

En 1960, la chaîne américaine CBS organise le premier débat présidentiel télévisé, suivi par 70 millions de téléspectateurs. Le sénateur John F. Kennedy et le vice président Richard Nixon prennent place dans des Round Chairs signées Hans Wegner. Kennedy, souffrant du dos, avait lui-même demandé que le plateau soit équipé de ce siège. Le lendemain, dans les journaux, la Round chair est propulsée au rang des participants: on l’appelle déjà «The Chair».

CBS décide alors de faire don des douze assises acquises pour l’événement au Smithsonian Institute. Le design scandinave vient d’entrer dans l’Histoire, comme les stéréotypes et l’étiquette fédératrice dont il aura bien du mal à se départir.

Oubliez le mythe de l’intérieur blanc, épuré et froid

Le goût scandinave imposerait le blanc, l’épure, les couleurs et matières naturelles (le bois, l’acier, le cuir, le coton, la laine feutrée —peut-être un plaid de laine mousseuse ou une peau de bête comme seule fantaisie) : en résumé, un style glacial, souvent élitiste, mais à la personnalité fade.

«Pour y avoir vécu de longues années, j’ai pu constater qu’on a souvent, en France, une image fausse de ce à quoi doit ressembler un intérieur scandinave», s’amuse Viveca Olsson, directrice artistique. Le style scandinave ne se prend jamais trop au sérieux. Un objet réussi, c’est d’après moi celui qui se mélange bien avec ce que vous avez déjà: si vous refaites votre salon à cause de ce nouveau canapé sur lequel vous avez craqué, vous n’êtes en rien dans l’esprit scandinave! Un nouvel achat s’avère le bon choix s’il pousse à redécouvrir ce qu’on a chez soi, à repenser la décoration d’un lieu en mélangeant les pièces, en attribuant aux objets une nouvelle fonction.»

Il faut donc comprendre que le canapé d’un blanc polaire est choisi pour son contraste avec un plaid orné de motifs traditionnels aux couleurs vives; que ses lignes sobres, souvent droites, seront idéales pour laisser s’exprimer celles, plus complexes, d’un luminaire de Poul Henningsen? Viveca Olsson poursuit:

«Chez nous, on mélange des objets achetés chez IKEA à des pièces de design iconique ou de créateurs contemporains et émergents. Il n’y a pas d’erreur de goût, c’est une question de personnalité. On privilégie les produits “solitaires”, qui marchent tout seul, sans contexte – mais qui, mis ensemble, créent un style: c’est ça, l’identité scandinave. Un “mix de solitaires”! C’est la vraie différence. Le design français est plus décoratif, va vers un ensemble plus coordonné, en réalité, que dans les pays scandinaves.»

Luminaire Artichaut design Poul Henningsen pour l’éditeur Louis Poulsen – © Poulsen

Imprimés vifs, couleurs fortes, le mobilier danois de Hay, les traditionnels imprimés des Finlandais de Marimekko prouvent que les nordiques ne se contentent pas de décliner dans leurs intérieurs 50 nuances de blanc.

Boites d’allumettes HAY, design de Shane Schneck, © Hay.

Jacob Bruce a repris la marque de produits en lin Vaxbö il y a quelques années, quittant Stockholm pour la campagne suédoise. «Dans les pays nordiques, on vit dans la nature: elle est tout autour de nous, et chez nous. Cela se traduit en matières, en couleurs… On mixe des coloris hivernaux, couleurs d’automne, tons d’été : feuilles rousses et bleu glacier, jaune soleil et vert herbe tendre, rose aux joues et baies d’été

La nature et ses caprices inspirent les designers d’Europe du nord, qui n’ont de cesse de tenter d’apprivoiser la lumière – rare en hiver, par moment inexistante au-delà du cercle polaire. On propage, capture ou imite la lumière naturelle: meubles vitrines, verre teinté ou soufflé, jeux de transparence de voiles légers, clarté des tons, absence de rideaux, lumière des bougies…

Créations textiles en lin, inspirées des couleurs de la nature ©Vaxbö.

La fonction, la famille Ricoré et Luther

Le design, ce n’est pas seulement joli: le design, c’est pratique, à dessein (dessein, dessin, design). Fonctionnel. Point. Si ça ne l’est pas, ce n’est pas du «bon design»… Le bois doit rester le plus naturel possible d’aspect, certes, mais il est traité pour résister aux taches, aux intempéries. Les enfants sont omniprésents, la vie de famille et ses rituels revêtent une importance particulière. Il suffit de compulser un catalogue IKEA pour se rendre compte que notre «famille Ricoré» fait pâle figure à côté de la tribu de Viveca Olsson et de ses congénères:

«Le soir, on dîne ensemble, puis on reste autour de la table, pour jouer, faire les devoirs. L’aspect pratique prime: largeur du plan de travail, modularité… Les tissus doivent être faciles à entretenir, agréables au toucher mais résistants. On fait rarement dans les matériaux précieux, les étoffes trop fragiles, trop fines… C’est très nordique, ce réflexe de réfléchir vraiment à la vie de tous les jours : les enfants qui grimpent sur le canapé, le bras des fauteuil va se noircir à l’usage : on équipe les bras des fauteuils d’une sorte de bavolet amovible et lavable.»

Haro sur le mobilier non-fonctionnel, donc, et qui ne serait pas fichu d’évoluer en même temps que vous: «Un meuble doit être aussi à l’aise et logique dans un salon qu’une chambre ou dans l’entrée. On déménage? Il doit y avoir une place pour ce produit : il reflète aussi notre parcours de vie.»

On ne jette rien, on recycle tout: le design nordique fait la chasse au superflu, au bibelot décoratif qui ne «sert» vraiment à rien d’autre qu’à décorer. Les Italiens avaient initié l’Arte povera, mouvement artistique qui avait recours aux matériaux peu nobles; les Scandinaves auraient-ils inventé le «design povera»? Mais n’allez pas les taxer de pingrerie:

«Il faut se souvenir que la Suède a longtemps été un pays très pauvre. Effectivement, on assimile notre style à l’utilisation de bois clair et de matières naturelles: on a tout simplement utilisé ce que nous trouvions sur place, dans la forêt, dans la nature environnante. En Scandinavie, les ornementations n’étaient pas aussi riches et nombreuses qu’en France; on peut y voir l’influence encore prégnante de l‘Eglise protestante, et plus particulièrement luthérienne. Pas de superflu! Disons que c’est ma théorie», propose la franco-suédoise Emma Marga Blanche, moitié de Färg & Blanche.

Le duo de designers utilise le bois, les matières naturelles, puisant dans un répertoire traditionnel dont il propose une lecture contemporaine. Leur fauteuil EMMA, version revisitée d’un classique équipant les foyers suédois depuis plusieurs siècles, vient de recevoir un double prix du «meilleur meuble de l’année 2013».

«Cela laisse des traces dans le design suédois actuel, et notamment grâce à un niveau de connaissance de ces matériaux assez poussé.» C’est le cas de Staffan Holm. Né en 1977, le jeune designer a reçu une pluie de récompenses, dont le prix Bruno Mathsson 2013, considéré comme le plus prestigieux en Suède.

Staffan Holm, tabouret SPIN pour Swedese. © Swedese / S. Holm

Inga Sempé a collaboré avec l’éditeur suédois Gärsnas, pour lequel elle a créé les chaises et table Österlen:

«Elles sont baptisées “Österlen” d’après le nom de la ville où elles sont fabriquées, en Suède – mais le bois est courbé au Danemark. Dans le frêne, nous avons aménagé des incisions en forme de “U”, ce qui permet un certain type d’assemblage. Le confort en est accru, et la lumière tombe différemment, soulignant les reliefs du meuble. Collaborer avec Gärsnäs, dont le savoir-faire est très particulier, s’est avéré un plaisir. En France, on travaille le bois pour réaliser des copies de meubles, du mobilier de style. On réplique, on ne créée pas. En Scandinavie, c’est totalement différent ; et on respecte le temps nécessaire au développement du projet, même si celui-ci doit prendre trois ans. On n’hésite pas à prendre des risques.»

La maîtrise des techniques traditionnelles bénéficie de l’influx créatif d’une nouvelle vague de créateurs, venue bousculer un design auquel on reproche parfois de tourner en rond. La nouvelle génération de designers participe à faire évoluer, petit à petit, l’image d’Epinal du design scandinave. Snickeriet, Alexander Lervik, Simon Klenell, FolkformUgly Cute proposent un design plus conceptuel, plus avant-gardiste, expérimental. Ils mettent l’accent sur le travail de matériaux et les procédés de fabrication, mais explorant de nouvelles pistes, un angle nouveau.

Si aucune marque ne se laisse tenter, ils s’aventurent à produire eux-mêmes, comme en témoigne Emma Marga Blanche:

«pour laisser libre cours à notre forme d’expression, exprimer librement notre créativité, nous n’hésitons pas en parallèle de nos collaborations avec des marques variées à auto-éditer une partie de notre production.»

Le design scandinave ne fait pas semblant d’être écolo

Utiliser des matériaux naturels ne suffit plus à prouver un comportement responsable vis à vis de l’environnement. Les marques font un effort marqué, visible – comme les Finlandais de Punkalive, qui ont décidé du choix d’implantation de leur bureau et fabrique en fonction des ressources naturelles de leur pays, et font de leur credo un argument de vente majeur.

Selon Kristina Farwing, Marketing Manager de Swedese (marque phare en Scandinavie, créée en 1945), les points cardinaux du design responsable sont la création de pièces faites pour durer et être transmise; l’emploi de matériaux recyclables; le contrôle et la visibilité sur l’origine du matériau, et enfin le transport (comment limiter la dépense énergétique?):

«Le design durable, responsable, c’est notre ambition: 80% de nos tissus sont écologiquement corrects, et nous évitons l’utilisation du chrome, remplacé par une laque ou de l’aluminium. Depuis 1960, nous fournissons l’Etat et ses organisations: le critère du respect de l’environnement nous a été imposé il y a longtemps. Aujourd’hui, les acheteurs professionnels comme les particuliers sont sensibles à la démarche. Une entreprise ne peut plus ignorer le critère de durabilité.»

Chez Swedese, on aime citer l’exemple du fauteuil lounge Lamino, devenu un classique de la marque depuis sa création en 1956. «Il s’agit de notre modèle le plus écologique à ce jour. On l’utilise dans des espaces privés, des hôtels, des bureaux… Voilà 50 ans que nous vendons des pièces pour que nos clients rafraîchissent eux-mêmes leurs fauteuils. La version laquée, je ne suis pas fan – la référence en bois huilé est très « responsable ». Nos tissus sont classés écologiques, le cuir ne l’est pas encore. La provenance du bois est connue, certifiée, approuvée. Après, c’est à l’acheteur que nous laissons le choix des options : et ils sont de plus en plus nombreux à choisir en fonction des critères de respect environnemental. C’est quelque fois contradictoire : en Grande-Bretagne, par exemple, les normes sécuritaires exigent que la mousse soit spécifiquement traitée anti-feu. Pour se faire, et pour exporter, on doit donc ajouter des produits chimiques. »

Fauteuil Lamino, Swedes – © Swedes / Skandium.

Un marché plus propice

Le design, c’est dans l’ADN des Européens du nord. Depuis Paris, Inga Sempé collabore avec de plus en plus de marques scandinaves, comme Svenskt Tenn ou Wästberg. Au départ, c’est une recherche de matière pour un objet édité en Italie qui l’a rapprochée du marché scandinave. «Je voulais créer une lampe de table qui, de ses 40 cm de haut, s’étirerait à la verticale pour atteindre deux mètres et je demandais çà et là des échantillons aux fabricants: en France, ils ne savent pas ce que c’est un designer, donc ils n’envoient jamais rien en retour. A tout hasard, j’avais écrit à un fabricant croisé à Stockholm. Cette fois, surprise! J’en ai reçu plus que nécessaire. »

Emma Marga Blanche souligne les écarts entre nord et sud: «Je suis franco-suédoise. J´ai été élevée et fait mes études en France. J´ai appris et continue d’apprendre le métier ici en Suède, où je vis depuis 6 ans. Les Suédois son plus éduqués au design: il y a pléthore d’émissions télévisées, de magazines, le “lifestyle” fait partie de notre quotidien, tous niveaux socio-culturels confondus. Il faut savoir qu’il y a aujourd´hui environ 800 éditeurs de meubles en Suède —ce qui est énorme pour un si petit pays, avec beaucoup d’usines, d’ateliers, de fabriques. Beaucoup d´éditeurs se concentrent sur le marché public (les fameux “contracts”, hôtels et institutions, bureaux…): ils sont invisibles pour les consommateurs. Et, comme nous ne sommes pas si nombreux, il y a un besoin d´exporter – ce qui n’est pas forcément le cas de la France.»

En effet, en 2010, 800 marques (qui emploient environ 14.000 personnes en Suède), essentiellement basées dans le sud du pays, ont généré dans un chiffre d’affaires de 21,5 milliards de couronnes (2,4 milliards d’euros, dont 70% (près de 15 milliards de couronnes, 1,7 milliards d’euros) à l’export.

En France, l’enseignement du design se voit régulièrement reprocher son approche trop théorique, la distance entre l’étudiant et la matière est vécue comme un frein au développement de certains concepts. Au Nord, le designer connait la matière, et ne fait pas appel à un praticien: beaucoup de designers suédois ont fait une école de menuiserie, ou étudié la porcelaine, ou n’importe quelle autre matière, avant de suivre un cursus dans une école de design. «La connaissance du travail de la main est primordiale, détaille Emma Marga Blanche, alors qu´en France on parle et on conceptualise avant de fabriquer l’objet. Typiquement, je parle, je dessine, puis je questionne, crayon en l’air: Fredrik, lui, mûrit directement son idée à l’atelier, outils en main!»

Mais le grand nombre de fabriques et ateliers, accessibles aux designers, facilitent aussi le processus. «L’artisanat et le “fait main” bénéficient d’un vrai respect en Suède, c’est flagrant dans les écoles de design. C’est aussi plus décontracté, moins cloisonné: on peut rencontrer les décideurs. Il nous est facile de louer un atelier, à l’heure ou à la journée par exemple – sans même réserver à l’avance, on peut souscrire et devenir membre

Non, IKEA n’a pas tué le design nordique

Pour un Français, formaté par des siècles d’excellence dans les arts décoratifs, le manque d’opulence caractéristique et la fausse impression de simplicité technique dans la réalisation étaient jadis considérés comme autant de manquements au bon goût et au savoir-faire. Mais ça, c’était avant…

Avant Arne Jacobsen, Alvar Aalto, Finn Juhl, Verner Panton, Tapio Wirkkala, Bruno Mathsson, Hans Wegner, Poul Henningsen. Avant que le plateau de Mad Men ne fasse étalage de pièces parfaitement sélectionnées par des chefs décorateurs-commissaires d’exposition. Mais avant IKEA, aussi.

Panorama design danois Finn Juhl – © Finn Juhl Institute.

Les marques haut de gamme évaluent avec prudence tout ce qui pourrait, dans l’œil du consommateur, être identifié comme IKEA-like, donc, n’ayons pas peur des mots : cheap. «En France, l’usage du bois clair est assimilé à IKEA, ça ne “colle” pas à une image de produit haut de gamme», déplore la designer franco-danoise Inga Sempé. Au cours de la conception de son canapé Ruché pour l’éditeur français Ligne Roset (leader mondial du mobilier haut de gamme pour les particuliers), Sempé s’est frottée aux réticences du directeur de la marque : «pour le Ruché, je voulais absolument une carcasse de bois naturel. Mais j’ai dû batailler pour l’imposer. Ça faisait scandinave, donc IKEA ! J’ai adressé à Michel Roset, le directeur de la maison, une longue lettre pour plaider la cause, et l’ai emporté.»

En 2012, l’enseigne bleue et jaune a reçu 690 millions de visiteurs dans ses 298 magasins, réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 27 milliards d’euros. Parmi les 26 pays d’implantation de la marque, la Suède (un peu moins de 10 millions d’habitants) représente à elle seule 5% du CA: nul doute, les Suédois eux-mêmes apprécient IKEA.

Viveca Olsson, directrice de la création de la collection Stockholm (gamme premium d’IKEA), partage l’avis de ses pairs, et pense que la popularité comme la force de frappe de l’enseigne ont bénéficié au design nordique:

« L’image d’un IKEA géant du meuble et de l’objet déco éclipsant complètement la jeune création scandinave ou bridant les éditeurs mythiques n’a pas lieu d’être. Ça n’a jamais empêché les designers de s’exprimer, d’être édités, de vendre leurs produits. Le respect du processus de création, et donc du designer, est le même chez IKEA que chez un petit éditeur: il faut compter deux ans pour qu’un produit vienne sur le marché, à eu près le même délai que chez n’importe quel éditeur. Il ne faut pas non plus négliger un autre facteur: IKEA a aidé à mettre en avant le nom de certains designers, leur a permis de se faire connaître, ou au contraire a fait appel à des designers de renommée, en mettant leur travail à portée d’un maximum de bourses.»

Une des revendications de la marque, c’est en effet «le défi au design élitiste»: depuis 1995, IKEA invite dans sa gamme PS des créateurs en vue à imaginer des pièces accessibles au plus grand nombre. Thomas Sandell, l’un des designers et architectes les plus récompensés de Suède, avait lancé les festivités: édité chez B&B Italia, Cappellini ou Artek, au positionnement haut de gamme, Sandell signait la même année pour IKEA un réveil, des tables, une jardinière ou une armoire proposés à des tarifs très compétitifs. Le brief? « Ils m’ont simplement demandé de créer quelque chose que je pourrais moi-même acheter», raconte Sandell. Vaste programme! Mais il l’assure: «Chez IKEA, ce sont les créateurs eux-mêmes qui définissent les tendances.»

Il en va de même pour Hella Jongerius, designer néerlandaise de renom: dessiner des vases ou ses pièces de design textile pour la gamme IKEA PS n’a pas empêché la créatrice de développer en parallèle des œuvres exclusives pour la galerie parisienne Kreo. Les premières étaient accessibles à partir d’une trentaine d’euros, une somme cent fois moins élevée que celle qu’il fallait débourser pour les autres.

Vases de la designer néerlandaise Hella Jongerius – courtesy galerie Kreo Paris

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